Retard annoncé, calme assuré :

le secret des contrôleurs SNCF

Les retards, tout le monde les redoute. Les voyageurs, les équipes au sol, les conducteurs… et bien sûr, nous, les contrôleurs. Pourtant, ils font partie du voyage. Aussi inévitables que les orages d’été ou les feux de signalisation rouges dans la vie quotidienne. Et finalement, c’est peut-être là que réside notre vrai métier : non pas d’éviter les retards, mais de savoir les traverser avec calme, respect et un soupçon d’humour.

Quand j’annonce un retard, je sais que je marche sur un fil. Quelques minutes de décalage, et c’est un rendez-vous manqué, une correspondance envolée, une journée qui prend une autre tournure. Le retard, ce n’est pas juste une donnée technique : c’est une émotion collective. Et mon rôle, c’est de la transformer.

 

Sur le papier, ça paraît simple : “Informer les voyageurs avec transparence et sérénité.”
Mais sur le terrain, c’est tout un art. Parce qu’en face, il y a une centaine de personnes avec des attentes, des humeurs, des histoires différentes. Le jeune cadre pressé, la grand-mère qui va voir ses petits-enfants, l’étudiant qui passe son premier concours, le couple en week-end… et au milieu, moi, avec mon micro, ma voix et mon sourire.

Le moment où j’appuie sur le bouton pour prendre la parole, je me dis souvent : “Allez, Nico, sois le capitaine de ce petit monde.” Parce que oui, dans le train, on est tous embarqués dans la même aventure. Le retard n’est pas juste un chiffre sur un tableau, c’est un moment à vivre, à accompagner, parfois même à apaiser.

 

Quand on travaille à la SNCF, on apprend vite une chose : il n’y a pas de “petit retard”.
Dix minutes peuvent paraître anodines pour certains, mais pour d’autres, c’est la différence entre une journée fluide et une journée à contre-courant. Alors, j’annonce chaque minute comme si elle comptait. Parce qu’elle compte.

Je me souviens d’une fois, un trajet entre Lyon et Marseille. Un problème de signalisation. On accumule les minutes. J’annonce calmement :
« Mesdames et Messieurs, nous aurons environ 25 minutes de retard à l’arrivée. Nous faisons le maximum pour limiter ce contretemps. Merci de votre patience et de votre compréhension. »
Un silence. Puis une dame me sourit :
« Ce n’est pas grave, tant que vous nous le dites avec ce ton-là, on ne peut pas vous en vouloir ! »

Et c’est là que j’ai compris une vérité simple : les gens ne réagissent pas au retard, mais à la manière dont on le leur dit.

 

Tip pro & perso : l’art de la communication, c’est 90 % de posture et 10 % d’information.
Ce qu’on dit compte, mais la façon de le dire change tout. Une voix apaisée, un regard sincère, une présence tranquille : c’est souvent ça, la différence entre tension et confiance.

Un contrôleur, c’est un peu comme un chef d’orchestre émotionnel. Il doit accorder les instruments de la situation. Parfois, c’est un violon un peu grinçant (le passager pressé). Parfois, un tambour impatient (le groupe scolaire). Et puis, il y a ces moments où tout s’apaise, où chacun retrouve son rythme. Ce sont ces instants-là que j’aime le plus : quand le train retrouve sa musique, même avec un léger retard.

 

Bien sûr, il y a des jours où tout s’enchaîne. Panne de caténaire, météo capricieuse, correspondance à revoir, voyageurs qui s’inquiètent… Et moi, au milieu, à jongler entre les annonces, les questions, les sourires forcés et les petits gestes sincères.
C’est dans ces moments-là qu’on mesure ce que veut dire garder le cap. Parce que ce n’est pas seulement une question de train. C’est une question d’attitude.

Garder le cap, c’est refuser de se laisser submerger.
C’est se rappeler pourquoi on fait ce métier.
C’est savoir que derrière chaque regard inquiet, il y a une confiance à préserver.
Et qu’au fond, ce que les gens retiennent, ce n’est pas le retard, mais la manière dont on les a accompagnés pendant ce retard.

 

Je crois que le retard, c’est un peu une métaphore de la vie.
On planifie, on prévoit, on trace des lignes droites… et puis, un imprévu surgit. Ce n’est pas dramatique. C’est juste la vie qui nous rappelle qu’on n’est pas aux commandes de tout. Et ça, c’est une belle leçon d’humilité.

Combien de fois ai-je vu des passagers râler au départ et sourire à l’arrivée ?
Combien de fois ai-je entendu :
« Finalement, on a eu le temps de discuter, de lire, de souffler un peu. »
Et moi, je me dis que, peut-être, le retard n’était pas une perte, mais un cadeau déguisé.

 

Un jour, un jeune garçon m’a demandé :
« Monsieur, pourquoi vous êtes toujours souriant alors que le train est en retard ? »
Je lui ai répondu :
« Parce qu’un sourire, ça fait avancer les choses plus vite que la colère. »
Il a rigolé, et je me suis dit que c’était peut-être la plus belle explication possible.

 

Le métier de contrôleur, c’est un métier d’humain avant tout. On transporte des vies, des émotions, des moments de vie. Le train, c’est plus qu’un moyen de transport. C’est un espace de rencontre, de patience, de respect. Et parfois, de philosophie improvisée à 300 km/h.

Alors oui, les retards existeront toujours.
Mais tant qu’il y aura quelqu’un pour les annoncer avec sincérité, tant qu’il y aura un regard pour accompagner les voyageurs, tant qu’il y aura une main pour aider ou un mot pour apaiser une tension, il y aura toujours de la magie à bord.

 

La prochaine fois qu’un contretemps se présente, respire.
Regarde autour de toi.
Peut-être que ce moment suspendu t’offre justement l’occasion de ralentir un peu, de te recentrer, de partager un mot, un sourire.
Parce qu’au fond, le vrai voyage commence souvent là où le planning s’arrête.

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