Les clichés sur les contrôleurs SNCF et la vraie vie derrière

 

On en entend des vertes et des pas mûres sur notre métier de contrôleur. Avec les années, je crois que j’ai entendu tous les clichés possibles : celui du contrôleur “qui adore mettre des amendes”, celui “qui ne sert à rien parce qu’il y a déjà des portiques”, celui “qui passe exprès quand tu dors”, celui “qui est forcément de mauvaise humeur”, celui “qui fait grève tous les mardis juste pour le plaisir”, celui “qui boit des cafés pendant que les trains sont en retard”. Les clichés, ça fuse plus vite qu’un TGV lancé à pleine vitesse. Et parfois, ça me fait rire. Parfois, ça me fait lever les yeux au ciel. Mais souvent, ça me donne envie d’expliquer, de raconter, de montrer la version humaine derrière l’uniforme.

Parce que oui, on a un uniforme. Et dans ce pays, dès que quelqu’un porte un uniforme, certains imaginent qu’il perd instantanément son âme, son humour et son libre arbitre. Pourtant, derrière chaque contrôleur, il y a une personne comme toi : un parent, un voisin, un passionné de trains ou quelqu’un qui, un jour, a juste eu envie d’avoir un métier où aucune journée ne se ressemble. Un métier où tout peut basculer en une minute. Un métier où on ne s’ennuie jamais, même quand on aimerait parfois.

Les clichés commencent souvent dès la montée dans le train. Les gens me sourient parfois d’un air crispé, comme si j’allais leur annoncer une mauvaise nouvelle alors que je voulais juste dire bonjour. Certains imaginent qu’on adore “coincer” les voyageurs. Pourtant, la vérité est simple : je préfèrerai mille fois un sourire, un échange sympa, une anecdote ou juste un “bonne journée” plutôt qu’une verbalisation. Le contrôle n’est pas un sport de combat. C’est un moment d’échange, d’information, parfois d’assistance. Je suis bien plus souvent celui qui rassure que celui qui sanctionne.

Un autre cliché tenace, c’est celui du contrôleur grincheux. Alors oui, il y a des jours où je suis fatigué. Des journées de 10 heures debout, en marche, en interaction permanente. Des jours où j’enchaîne 3 incidents, un malaise voyageur, une annonce en anglais approximatif (on y a tous droit), un retard qu’on doit expliquer sans avoir tous les éléments… Mais honnêtement ? Dans la grande majorité du temps, on adore discuter, rigoler, détendre l’ambiance. Quand je vois un voyageur stressé, je prends 20 secondes pour souffler avec lui. Quand je vois un enfant fasciné par le train, je prends le temps de lui répondre. Et parfois, un simple sourire renverse une journée.

Un autre cliché assez coriace, c’est celui qui dit que les contrôleurs seraient “toujours contre les voyageurs”. Comme si notre mission était d’être dans un camp opposé, de l’autre côté de la barrière. Pourtant, la réalité, c’est qu’on est du même côté que vous. Quand un train est blindé, on est debout avec vous. Quand il fait 40°C, on transpire aussi. Quand un incident vous stresse, on le vit en direct, parfois avec plus d’infos, parfois avec moins. Notre boulot, ce n’est pas de “gêner”, c’est de fluidifier, protéger, accompagner. On est souvent le premier visage humain que vous voyez quand ça ne va pas. Et croyez-moi : on fait toujours au mieux pour que le voyage reste vivable, même quand les conditions ne le sont pas. Les clichés aiment nous mettre en opposition, mais la réalité est simple : on avance ensemble, dans le même train, vers la même direction.

On nous dit aussi que les contrôleurs “ne servent à rien parce que tout est numérique maintenant”. C’est oublier un peu vite que le train reste un espace vivant. Et quand il se passe quelque chose – un malaise, un bagage abandonné, un incident matériel, un Bambi distrait qui décide de traverser, ou juste quelqu’un qui a besoin d’un renseignement – la technologie ne descend pas du train pour régler le problème. Nous si. On est le lien humain, celui qui maintient un sens, une sécurité, une présence. Le numérique aide, mais il ne remplace pas une présence humaine quand ça compte vraiment.

Le cliché du contrôleur “qui adore faire peur” circule aussi. Pourtant, mon métier est justement l’inverse : rassurer. Dire “je suis là”, “vous pouvez me demander”, “vous n’êtes pas seul dans le train”. Des voyageurs anxieux, j’en croise tous les jours. Des personnes âgées, des étudiants en partiels, des familles dépassées, des gens qui vivent des moments compliqués. Et si je peux rendre une minute plus douce, je le fais. Les clichés ne montrent jamais ça, mais la gentillesse, elle, ne se démode jamais.

Il y a aussi ce cliché très drôle : “les contrôleurs passent exprès quand tu dors”. Je te le dis franchement : si je devais attendre que tout le wagon soit éveillé pour passer, je ferais mes tournées de contrôle à minuit. On respecte le sommeil des gens, on fait attention, on passe doucement. Et parfois, on devient même l’ange gardien du wagon. Il m’est arrivé de réveiller quelqu’un pour lui éviter de rater sa correspondance. Ce n’était pas un contrôle, c’était un sauvetage.

Mais le cliché le plus faux, peut-être, c’est celui selon lequel les contrôleurs seraient déconnectés des voyageurs. La vérité ? C’est l’inverse. On vit avec eux. On partage leurs retards, leurs inquiétudes, leurs fous rires, leurs galères, leurs petits instants de vie. On voit des amitiés improbables naître, des enfants émerveillés, des confidences à 300 km/h, des scènes qui n’existeraient nulle part ailleurs. On est au cœur de ces histoires sans toujours être au centre.

Alors si on arrêtait un peu de se chamailler avec les clichés ? Si on regardait ce métier pour ce qu’il est : profondément humain, imparfait, vivant, intense, drôle, exigeant, parfois chaotique, mais toujours utile. Les clichés simplifient. La réalité, elle, rapproche.

Moi, contrôleur SNCF depuis longtemps, je peux te dire une chose : les clichés, c’est rigolo cinq minutes. Mais si tu prends deux minutes pour me parler dans le train, tu découvriras autre chose : un humain. Et ça, aucune rumeur ne pourra l’effacer.

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